On a présenté dans un précédent article la gamme mineure harmonique. Cette gamme pose un problème existentiel aux théoriciens et compositeurs de la musique tonale, à cause de l’intervalle entre la♭ et si, qui est composé d’un ton et demi, une seconde augmentée. Pour une mélodie, la théorie interdit formellement cet intervalle.
Sinon ça rendrait ça, et Mozart et Bach tomberaient en syncope :
Pour résoudre ce problème existentiel ont été inventées… les gammes mélodiques ascendante et descendante. Le but est de ne pas avoir cette seconde honnie. Pour cela en montant, on change le la bémol en bécarre. Donc de sol à do, on a 1 ton, 1 ton, 1/2 ton. Et en descendant, on baisse la sensible, en mettant si bémol. Et là on a de do à sol, 1 ton, 1 ton, 1/2 ton. Parfait.
C’est vrai que ça sonne moins oriental, mais les théoriciens sont contents.
Comme toute théorie, c’est son application qui est intéressante. Voyons comment Bach suit ce principe à la lettre dans sa bourrée de la suite en mi mineur pour luth, BWV 996. Voici une transposition en do mineur, sans la clef pour bien voir les altérations :
En mettant l’armature de do mineur :
Mesure 1 on est en mineur normal, on va de do à mi bémol, on redescend à si, la sensible, on remonte puis on va direct à la dominante, sol, en sautant complètement la seconde maudite.
Puis en mesure 2, on veut aller de sol à do, donc on prend la gamme mineure ascendante.
Après on va de do à sol, donc via la gamme mineure descendante.
La suite est un chemin compliqué pour aller de sol à do, mais sûr car sans la seconde :
Un élève modèle ce Bach, donc… ou un artisan de la Théorie ?
Références
- Cet article est largement inspiré de la vidéo « Cours d’harmonie – Réponses aux questions – Le mineur (modes, gammes, accords) » de Jean-Louis Fabre sur son site Gradus ad Parnassum
- Les partitions sont écrites avec Lilypond
- La guitare est jouée par votre serviteur
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